La loi « marché du travail » publiée le 22 décembre dernier au Journal officiel a conduit à l’intégration d’un nouvel article au Code du travail. Celui-ci prévoit une présomption de démission du salarié qui abandonne son poste et donc, son exclusion de l’assurance chômage.
Nouvel article du Code du travail
Le nouvel article L.1237-1-1 du Code du travail dispose que :
« Le salarié qui a abandonné volontairement son poste et ne reprend pas le travail après avoir été mis en demeure à cette fin, par lettre recommandée ou par lettre remise en main propre contre décharge, est présumé démissionnaire. Le salarié qui conteste la rupture de son contrat de travail sur le fondement de cette présomption peut saisir le conseil de prud’hommes.
L’affaire est directement portée devant le bureau de jugement, qui se prononce sur la nature de la rupture et les conséquences associées. Il statue au fond dans un délai d’un mois à compter de sa saisine.
Un décret en Conseil d’État détermine les modalités d’exécution du présent article ».
Définition de l’abandon de poste
L’abandon de poste se caractérise par une absence répétée et injustifiée d’un salarié qui quitte son travail sans autorisation de son employeur.
Dans certains cas, les absences ne sont pas assimilables à un abandon de poste :
- Le fait de quitter précipitamment le lieu de travail pour des raisons de santé ou de sécurité, afin de consulter un médecin par exemple ; le cas échéant, pour exercer son droit de retrait ;
- Le départ précipité du salarié pour se rendre au chevet d’un proche.
Quelle procédure pour l’employeur ?
ÉTAPE 1 :
Lorsque l’employeur constate que son salarié est absent depuis plusieurs jours sans justificatifs (a minima 48h, puisque le salarié dispose de 48 h pour envoyer son arrêt maladie), il doit lui envoyer une mise en demeure.
L’envoi doit être effectué :
- par lettre recommandée avec accusé de réception ;
- ou par courrier remis en main propre contre décharge (ce qui s’avère impossible puisque le salarié est absent).
La mise en demeure devra informer le salarié qu’il doit reprendre le travail (dans un délai qui sera fixé par décret) et préciser les risques d’une absence de réponse.
Passé ce délai, le salarié sera considéré comme démissionnaire.
ÉTAPE 2 :
Si le salarié ne justifie pas de son absence ou ne revient pas travailler dans le délai imparti, il est considéré comme démissionnaire. Il s’opère alors une présomption de démission. Le contrat de travail est rompu au terme du délai sans autre formalité. Le salarié peut venir récupérer ses documents de fin de contrat à l’entreprise.
Le salarié n’aura pas droit aux allocations chômage en qualité de démissionnaire.
ÉTAPE 3 :
Le salarié dont le contrat est rompu pourra saisir le conseil des prud’hommes pour requalifier sa « démission présumée » en prise d’acte aux torts de l’employeur. Le conseil aura un délai de 1 mois pour statuer à compter de la saisine.
Le salarié pourra alors prétendre :
- à son indemnité de licenciement ;
- à son indemnité compensatrice de préavis ;
- à des dommages et intérêts (selon le barème Macron).
Pour obtenir indemnisation, le salarié devra néanmoins avoir une explication sérieuse concernant son absence.
Il est vraisemblable que cette procédure suive les délais actuels des conseils de prud’hommes, soit une procédure de 10 à 12 mois depuis le dépôt de la requête.
Les questions en suspens
De nombreuses questions restent en suspens :
- L’employeur peut-il toujours recourir à un licenciement pour faute grave, même si le licenciement pourrait être évité en recourant à la présomption de démission ?
- L’employeur peut-il maintenir le salarié absent dans les effectifs sans lancer la procédure de présomption d’absence ?
- Du côté du salarié, face à l’inertie de l’employeur, peut-il se prévaloir de la présomption de démission pour acter la rupture de son contrat ?
- Face au salarié considéré comme démissionnaire, l’employeur peut-il lui réclamer en justice l’équivalent de l’indemnité compensatrice de préavis non respecté ?
- Quelle case faudra-t-il cocher sur l’attestation Pôle Emploi ? (Démission ?) Est-ce que Pôle Emploi va établir une nouvelle case ? Sous quel délai ?
- A quel moment et dans quel courrier devra-t-on lever la clause de non-concurrence ?
- Etc…
Les informations indiquées dans cet article sont valables à la date de diffusion de celui-ci.
Julie Baudet
Avocat associé
j.baudet@oratio-avocats.com
Références
Décision n° 2022-844 DC du 15 décembre 2022 - Communiqué de presse
Code du travail - Article L1237-1-1