L'utilisation du patronyme à titre de marque est une pratique habituelle de la vie des affaires.
Il n'est pas rare que le dirigeant d'une structure ayant œuvré à son déploiement et à sa notoriété souhaite faire usage de son propre nom pour désigner les produits ou les services dont il assure le commerce.
Nous avons tous à l'esprit quelques exemples célèbres (Yves Saint-Laurent; Renault; ou Paul Bocuse..)
Néanmoins, c'est souvent à tort que son usage est considéré comme plus sécurisant que celui d'un autre signe ou encore peu contestable par les tiers.
En réalité, l'usage du nom patronymique dans la vie des affaires, notamment à titre de marque, donne régulièrement lieu à contestation.
Mettons en lumière quelques idées reçues et vérités à ce propos:
Le dépôt du patronyme à titre de marque dispense son titulaire de réaliser des vérifications préalables
Faux !
Le dépôt du patronyme peut toujours être remis en cause et ce à plusieurs égards.
Tout comme les autres marques, ce titre de propriété industrielle doit notamment répondre aux impératifs de disponibilité et de distinctivité.
Pour s'assurer de l'exploitation paisible de sa marque, le dirigeant doit ainsi :
- s'assurer que son nom ne constitue pas un terme usuel pour désigner l'activité dont il assure le commerce;
- vérifier qu'il n'existe pas de marques, de dénominations sociales ou de noms de domaine antérieurs, qui seraient identiques ou proches de son nom et désigneraient des activités proches ou connexes à celle de sa structure.
Le fait de protéger son nom patronymique, par une marque, ne dispense donc pas son titulaire de réaliser des recherches d'antériorités préalablement au dépôt.
Bien au contraire, son choix l'oblige.
Les recherches d'antériorités préalables pourraient du reste révéler l'existence de marques antérieures, portant un signe identique ou similaire au nom patronymique dont le dépôt est souhaité, pour designer des mêmes produits et services.
En pareille hypothèse, le dépôt du signe, même s'il constitue le nom patronymique du dirigeant, est inenvisageable comme exposant la structure à un risque de contestation ultérieure de sa marque.
Le dépôt du patronyme à titre de marque ne confère pas à son titulaire de droits absolus
Vérité … et préjugé !
La marque, composée du nom patronymique, n'échappe pas à l'application de l'exception d'homonymie régie par l'article L.713-6 du Code de la propriété intellectuelle.
Ainsi, la marque, constituée du patronyme du dirigeant, ne permet pas à son titulaire d'interdire à un tiers l'usage, dans la vie des affaires, conformément aux usages loyaux du commerce, de son nom de famille lorsque ce tiers est une personne physique.
Cela étant dit, le régime de l'exception d'homonymie offre désormais bien moins de latitude aux commerçants non titulaires de marques, utilisant leur nom patronymique pour les besoins de leurs affaires.
Dans sa version antérieure à l'Ordonnance n°2019-1169 du 13 novembre 2019, le titulaire d'une marque ne pouvait s'opposer à l'usage par un tiers, de son nom de famille tant à titre de dénomination sociale, d'enseigne, de nom commercial que de nom de domaine, sous réserve que celui-ci puisse justifier de sa bonne foi.
Désormais, seule la personne physique utilisant son patronyme dans la vie des affaires, de manière loyale, pourrait invoquer l'exception d'homonymie.
C'est une orientation protectrice du titulaire de marque qu'a prise le législateur européen en autorisant seules les personnes physiques - j'entends ainsi les entreprises individuelles - à utiliser leur nom patronymique pour promouvoir leur activité commerciale.
La marque porteuse du patronyme du dirigeant est et demeure son entière propriété
Seulement s'il détient personnellement la marque !
En revanche, la marque portant le nom patronymique du dirigeant, déposée ou acquise après dépôt par la société, est la propriété de cette dernière.
Le dirigeant peut se voir privé de ses droits sur le signe déposé.
Ainsi, celui qui donne son nom à la marque, déposée ou acquise par la société, et quitte la structure titulaire n'a plus la faculté de revendiquer de droits privatifs à cet égard.
La jurisprudence INES DE LA FRESSANGE en est l'illustration même.
Après avoir cédé les marques portant son nom à une structure dont elle était devenue directrice artistique salariée, Madame DE LA FRESSANGE a été licenciée.
Elle a souhaité poursuivre son activité de créatrice, sous son nom patronymique, après avoir quitté la société.
Or, elle n'en avait plus la faculté.
Les marques susvisées constituées de son prénom et de son nom ne lui appartenaient plus.
Elles conféraient à son titulaire des droits exclusifs sur le signe INES DE LA FRESSANGE privant ainsi la célèbre créatrice du même nom d'utiliser son propre patronyme pour désigner ses créations.
Elle a contesté, par tous moyens, cette interdiction et notamment en invoquant la déchéance des marques, moyen qui n'a pas prospéré.
C'est du reste en ce sens qu'a jugé la Cour de cassation, considérant qu'en initiant une action judiciaire visant à obtenir la déchéance des marques cédées, Madame de la Fressange avait manqué à son obligation de garantie de la société Inès de la Fressange contre tout trouble dans la jouissance des droits cédés.
La vigilance est donc de mise lorsque la marque composée du nom patronymique n'est plus la propriété de celui dont elle porte le nom !
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Pour consulter l’ensemble de cet article, paru le 11 avril 2024 sur le site www.lemondedudroit.fr, cliquez-ici.
Justine Jasnault
Avocat
justine.jasnault@oratio-avocats.com